À la suite des Jeux Paralympiques organisés en France avec réussite, j’ai souhaité aborder un sujet crucial : l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), et les difficultés rencontrées par beaucoup de nos compatriotes en situation de handicap résidant à l’étranger.

Une allocation essentielle, des conditions complexes

L’AAH est un soutien financier indispensable pour de nombreuses personnes en situation de handicap. Pour nos compatriotes vivant hors de France, l’accès à cette allocation peut toutefois s’avérer particulièrement complexe.

Pour bénéficier de l’AAH à l’étranger, plusieurs conditions doivent être remplies :

  • Être inscrit au registre mondial des Français établis hors de France ;
  • Avoir un taux d’incapacité reconnu par une MDPH en France d’au moins 80% ;
  • Être radié de la CAF si vous avez déjà bénéficié d’une allocation en France ;
  • Disposer de revenus inférieurs au taux de base en vigueur dans le pays ou le poste de résidence ;
  • Soumettre une demande aux services consulaires compétents sur votre circonscription.

Ces démarches, déjà complexes en France, peuvent devenir un véritable parcours du combattant pour celles et ceux [MO1] qui vivent à l’étranger.

Handicap et expatriation : les défis administratifs des Français à l’étranger

Les Françaises et Français en situation de handicap établis à l’étranger peuvent faire face à de nombreuses complications administratives.                 

L’absence d’un guichet unique dédié aux Français de l’étranger et le manque de communication directe avec les administrations compétentes en France rendent les procédures particulièrement ardues.     

En outre, la discontinuité des droits entre la France et le pays de résidence conduit parfois à recommencer intégralement les dossiers lors d’un retour en France, créant des périodes de rupture dans la prise en charge.          

L’obtention, le renouvellement ou la réception de documents essentiels comme les cartes d’invalidité peuvent également s’avérer laborieux depuis l’étranger. Les délais de traitement des dossiers ou demandes d’aides sont fréquemment rallongés, créant des périodes de vulnérabilité accrue pour les demandeurs. La complexité du parcours de reconnaissance du handicap, qui oblige à s’adresser à davantage d’interlocuteurs (MDPH en France, services consulaires), associée à un manque de clarté sur les différentes étapes à suivre, peut décourager de nombreuses personnes à entamer ou poursuivre leurs démarches, les privant potentiellement d’aides auxquelles elles auraient droit.                

Ces obstacles administratifs sont d’autant plus pénalisants qu’ils affectent des personnes déjà vulnérables, soulignant l’urgence d’une simplification et d’une dématérialisation des procédures pour les Françaises et Français porteurs de handicap et résidant hors de France.                 

Certaines difficultés peuvent par ailleurs aller au-delà des seules démarches administratives.               

Un enjeu majeur est, par exemple, la différence de critères d’éligibilité à l’AAH entre la France et l’étranger : alors qu’en France, une prise en charge est possible sous conditions dès 50% d’incapacité, à l’étranger le seuil est fixé à 80%, excluant de facto de nombreuses personnes du système d’aide.                

De plus, le taux de base des allocations, variable selon les pays, peut s’avérer insuffisant, laissant certaines personnes dans une situation financière précaire sans soutien adéquat.

La déconjugalisation franchit les frontières : une victoire sociale 

En 2023, la mise en œuvre de la déconjugalisation de l’AAH est l’aboutissement d’une longue bataille politique et sociale, principalement menée par la gauche et les associations de personnes handicapées. Cette réforme a été mise en place progressivement en octobre 2023 sur le territoire français et dès le 1er janvier 2024 pour les ressortissants établis hors de France. Elle modifie le calcul de l’AAH pour les bénéficiaires de l’AAH en couple.

Avant la déconjugalisation, le montant de l’AAH était calculé en prenant en compte les revenus du ou de la conjoint(e). Dans le cas où le ou la conjoint(e) avait des revenus élevés, le montant de l’AAH pouvait être réduit, voire supprimé. La déconjugalisation de l’AAH implique que les revenus du conjoint ne sont plus pris en compte dans le calcul de l’allocation : seuls les revenus de la personne qui porte un handicap sont considérés pour déterminer le montant de l’aide. Cette mesure vise à garantir l’autonomie financière des bénéficiaires en couple, à réduire la dépendance financière vis-à-vis du conjoint et à permettre à davantage de personnes de bénéficier de l’AAH ou d’en augmenter le montant.           

Pendant des années, cette mesure s’est heurtée à l’opposition ferme de la majorité présidentielle et d’Emmanuel Macron, prétextant un risque pour l’équité du système social français. Les Écologistes et LFI, aux côtés d’autres formations de gauche, ont joué un rôle crucial en portant inlassablement cette revendication à l’Assemblée et au Sénat, la présentant comme une question de justice sociale et d’autonomie pour les personnes en situation de handicap.                 
Notre persévérance a fini par payer : face à la pression croissante de l’opinion publique et à l’évolution du contexte politique, le gouvernement a finalement cédé, reconnaissant la nécessité de cette réforme. La déconjugalisation de l’AAH est une avancée importante en termes de droits et de dignité pour les personnes handicapées en France. Mais il reste d’autres défis à mener. 

Quel soutien et quelles démarches pour les demandeurs français à l’étranger ?

Votre premier contact, dans le cadre d’une demande de reconnaissance de votre handicap ou d’obtention de l’AAH, est le consulat compétent dans votre lieu de résidence. De nombreux services consulaires disposent d’une section ou d’un agent en charge des questions sociales, qui peuvent être contactés directement.

En tant que sénatrice des Françaises et Français établis hors de France, je souhaite œuvrer pour : 

  1. Simplifier les démarches administratives pour l’obtention de l’AAH à l’étranger
  2. Aider à réduire les délais de traitement des dossiers
  3. Améliorer l’information et l’accompagnement des Françaises et Français de l’étranger en situation de handicap
  4. Harmoniser les conditions d’attribution de l’AAH entre la France et l’étranger